Cet espace qui longe le lac et où se dandinent nos bateaux dans une eau de plus en plus froide semble s’étirer sans fin dans la fumée d’une brume de saison.
Nous sommes en hiver.
Autant durant les beaux jours on traîne un peu sur son goudron gravillonneux en s’étonnant des vieilles amarres lâchement abandonnées sur la vase du fond, autant en hiver on avance d’un meilleur pas en s’amusant des joutes grotesques des poules d’eau.
Thomas McGuane* parle de détérioration métallique de la lumière que l’on ressent quand tout est terminé. On pourrait le croire tant l’eau de ce lac est devenue comme grasse sous l’effet du froid, apathique et stérile.
Et puis d’un coup se faufile dans le ciel tourneboulé par les vents d’altitude le rayon incisif et hâbleur d’un soleil frustré par la distance. Les têtes se lèvent, les yeux clignent, les mains cherchent au fond des poches les lunettes salvatrices. Elles ne sont pas encore sur le nez que les espoirs s’effondrent. Le ciel jouera un bon moment avec les bourgeois vagabonds qui continuent de penser que lorsque l’air est froid il devient plus pur, ce qui justifie leur présence à cet endroit.
Les cimes alentours nous avaient pourtant prévenus, en se fardant de blanc le mois précédant, que la récréation allait se terminer sèchement, cruellement. Patienter, il ne nous reste plus qu’à patienter en faisant mine de croire que mars va tout arranger ou pis encore chasser Noël derrière nous – barrière symbolique – alors que surgissent tout juste les baraques champignons du marché éponyme sur les rives d’un canal parfaitement engourdi.
Faut-il pour autant détester tous les mois qui flirtent avec le zéro du mercure ? Au contraire, laissons leur le soin de faire durer le plaisir de jours meilleurs à venir ; ne dit-on-pas que dans l’amour, le meilleur moment c’est quand on monte l’escalier ?
Très bonnes fêtes de fin d’année !
*Auteur américain des grands espaces, ami de Jim Harrison